La Patrie sovietique de 9 ecrivains Juifs russes, constitue, apres l'Ode a la France de 9 ecrivains Francais-juifs, puis 9 ecrivains Juifs allemands ou Allemands juifs, le troisieme volet du triptyque d'un univers peu explore : l'etude de neuf auteurs d'origine juive confrontes aux nationalistes, aux germanistes et aux communistes de leur pays. Le pouvoir sovietique ne voulant pas admettre la fonction critique de la litterature, sanctionne les auteurs indociles par une repression implacable. La question juive demeuree centrale, il faut aux neuf ecrivains juifs russes ici presents, en tant que communistes, trouver un juste equilibre de compromis avec le pouvoir, sans aller trop loin dans la complaisance, la lachete ou la trahison, mais assez loin pour sauver leur honneur, leur survie et leurs uvres. Ilya Ehrenbourg confie volontiers que si, en Union Sovietique, les ecrivains sont encore vivants, c'est qu'ils sont les plus grands acrobates du monde . Tandis qu'Isaac Babel, eminent virtuose du verbe, ses reportages de haute voltige executes sans filet, est arrache brusquement de la vie par un ultime derapage. Evguenia Guinzbourg, paie de dix-huit ans de Goulag le communisme idealise de sa jeunesse. Vassili Grossman et Pasternak executent leurs performances avec filet de sauvegarde : la conscience d'agir avec prudence. Tandis que Mandelstam est emporte par l'immense sincerite de sa poesie. Ainsi leur apparait l'evidence que, sur cette terre russe aimee, leur patrie sovietique, c'est ca etre Juif.